LA JUSTICE DE TOUS LES JOURS: I) UN MONDE À PART
Palais de justice de Boulogne sur mer. On n'en a pas encore franchi le seuil que l'on entre déjà dans un autre monde, solennité du principe oblige.
Dès l'entrée du Palais, au passage entre les bras d'un détecteur de métaux, trois vigiles, salariés d'une société privée de gardiennage, contrôlent l'entrée des visiteurs.
Une sonnerie retentit. Le visiteur est invité, sans qu'on lui en laisse le choix, à se défaire de sa ceinture à la boucle métallique et à repasser sous le portique. Porteuse de soutien-gorge à armatures métalliques s'abstenir? Ça ne rigole pas, ce sont les consignes. Des consignes peut-être plus strictes que celles imposées avant de prendre l'avion.
Pour l'accès à la salle d'audience, un autre vigile veille au grain car, là, on entre dans un autre décor censé impressionner. Oh, certes pas impressionner les truands chevronnés mais au moins les citoyens ordinaires.
L'endroit est haut de plafond. Il y a quatre entrées (et sorties) distinctes. Il y a celle par laquelle passe le commun des visiteurs. Celle par laquelle entrent les avocats. Et deux autres.
L'une de ces entrées débouche sur une sorte de cage en verre s'ouvrant, façon de parler, sur la salle d'audience. Elle est destinée aux détenus comparaissant sous bonne escorte. Une autre est plus discrète. C'est celle qu'empruntent les magistrats et le greffier. Trois juges (un président ou une présidente) et deux assesseurs ou assesseuses. Et une procureure ou un procureur. Le vocabulaire s'est féminisé au seuil de ce 21ème siècle.
La tenue vestimentaire, elle, n'a pas changé. Longue tunique noire, col-bavette blanc. La tribune des magistrats est surélevée. Les avocats, robe noire, col blanc, sont un seuil plus bas. Avec leurs clients. Un huissier audiencier (tiens le mot n'a pas de féminin) et un ou une greffier (fière) complètent les acteurs et portent aussi une toge noire et un col blanc. Difficile pour le public profane de s'y retrouver. D'autant plus que ce public ainsi que les prochains prévenus à comparaître sont relégués au fond de la salle. Ils devront prêter l'oreille s'ils veulent suivre les débats.
Le décor est planté. La séance, pardon, l'audience peut commencer. Rien ne doit venir la perturber. Tout ce qui se passe à l'extérieur n'a plus de sens. Le pays peut être à feu et à sang ou aux portes de la guerre, qu'importe! Impassible, éternelle, la justice française va suivre son cours.
Alea jacta est