JUSTICE III) UNE HISTOIRE PERSONNELLE

LA LOI SUR LA DIFFAMATION EST DEVENUE UN MOYEN DE PRESSION SUR LE JOURNALISME LIBRE?

Il a été évoquée ici, précédemment, l'affrontement judiciaire entre un journaliste et un candidat politique. En l'occurrence, c'était le journaliste qui avait initié la plainte en justice. C'est rarement le cas.

A l'origine la loi sur la presse (qui date de 1881) était destinée à la fois à protéger la liberté de la publication tout en protégeant les citoyens des excès de zèle de certains folliculaires.
Depuis quelque temps, la même loi est utilisée par les “puissants” pour faire taire les “plus faibles” qui osent les critiquer. 

L'objectif des plaintes en justice pour diffamation ne consiste plus à faire condamner l'auteur de propos présumés condamnables mais de l'atteindre là où il est le plus faible: l'argent.
L'auteur de ces lignes en a personnellement connu maints exemples.

Cela s'est passé en des temps largement prescrits. La même semaine je reçois quatre fois la visite d'un huissier pour me signifier quatre procédures. Des gens puissants, soutenus par des entités ou sociétés ne manquant pas de moyens financiers, me reprochent de les avoir diffamés, à au moins une reprise chacun, dans un organe de presse dont j'avais la responsabilité.

En première instance, avec l'aide d'un avocat, je gagne trois procédures sur quatre. Je gagnerai la quatrième en appel. Mes adversaires en sont pour leurs frais. Ils s'en fichent. Ce n'est pas eux qui paient mais leur société ou l'organisme dans lequel ils siègent. Pour ma part, ces victoires m'ont coûté une petite fortune (cinq mois de mes revenus mensuels d'alors) en frais d'avocats. Le but de mes détracteurs était là et, accessoirement de me traîner devant les tribunaux. Et encore plus accessoirement, de me faire condamner.

En d'autres occasions, j'ai été confronté aux mêmes manoeuvres. Un journal en ligne dont j'étais le créateur a été poursuivi par un grand quotidien régional du sud est de la France, groupe Crédit Mutuel. J'y étais accusé d'avoir écrit que, sous la responsabilité d'une cheffe d'agence désignée, le dit quotidien local ressemblait parfois au journal électoral du député-maire de la ville. Ce qui était une évidence pour tout le monde. Coup de chance, je n'avais pas signé cet article. Alors, la juge d'instruction (oui, oui, une juge d'instruction) avait lancé cinq commissions rogatoires à travers la France pour tenter de retrouver la directrice de publication dont l'identité apparaissait dans le logo du journal mais sans son adresse. Oui, oui, cinq commissions rogatoires, avec des officiers de Police judiciaire, le gratin de la police ou de la gendarmerie, aux commandes. Tout cela pour finir par présenter à la juge d'instruction une jeune femme qui se déclarait totalement étrangère à l'affaire sans que l'on puisse lui reprocher la moindre responsabilité dans la publication de l'article litigieux. 

L'affaire s'était donc conclue, après plus d'un an de procédures, par un non-lieu. Le quotidien régional en était donc pour ses frais. Pas grave pour lui, il est largement subventionné, par l'État, sur fonds publics. Quand à mon journal en ligne, il y a laissé quelques milliers d'euros. Nous avions en effet pris en charge les déplacements (lointains) et les frais de l'avocat de la jeune personne mise injustement en cause. Et, finalement le but de nos détracteurs était atteint: nous toucher là où nous étions les plus sensibles, l'argent!
Mais Ô combien la justice n'avait pas été mesurée ni avare de moyens (cinq commissions rogatoires!!!) dans cette affaire de corne-cul!

J.G.