ÇA SE PASSE CHEZ NOUS
9 Septembre
Baptiste et Mathys étaient deux copains de classe. Ils suivaient ensemble des cours dans une école de préparation à un emploi. Ils étaient très différents mais pas antagonistes du tout. Mathys était le plus sage et conforme à ce qu'on attend d'un élève, même de 19 ans. Baptiste était un peu plus turbulent mais pas méchant.
Un jour, alors que Mathys était sagement assis sur son banc à attendre l'arrivée du professeur, Baptiste jouait sur l'estrade avec une raquette de badminton. Faute du volant adéquat, il avait pris une craie. Et d'un bon service-volée il avait envoyé la craie dans l'oeil de Mathys.
A l'évidence, Baptiste n'avait pas visé l'oeil de son copain de classe. C'était, vraisemblablement, un geste idiot. Il n'empêche…
Il n'empêche que Mathys souffre désormais d'une blessure irréversible à l'oeil. C'est non seulement douloureux mais, par surcroît, handicapant. Et la rééducation va coûter cher. Très cher. Mathys est malheureux. Baptiste dit regretter son geste idiot. Qu'importe, la famille de Mathys veut que Baptiste paie pour ce qu'il a fait. Alors la famille du garçon éborgné a déposé une plainte à la gendarmerie. Un certain temps après les faits. Les gendarmes ont fait ce qu'ils ont pu, et ils ont pu peu, pour présenter un rapport au parquet. Lequel parquet a décidé de poursuivre Baptiste pour violence aggravée. Un délit susceptible d'entraîner une peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans et une amende jusqu'à 75.000 euros.
Mais voilà, pour la défense ce qui s'est passé ce jour-là dans une salle de classe n'est pas un délit, c'est juste un accident. Un dramatique accident. On est tenté de la croire. On ne peut pas imaginer que Baptiste a volontairement décidé de mutiler Mathys. Il n'empêche, volontairement ou pas, il l'a fait!
Après un bref délibéré le tribunal revient et donne sa décision: relaxe pour les faits reprochés. Il n'y aura rien pour la partie civile.
La famille de Mathys, présente dans la salle, est accablée.
Si l'affaire, au lieu du pénal avait été traitée au civil, il en serait allé différemment.
La décision du tribunal pénal est conforme au droit.
La peine et la colère de la famille Mathys sont compréhensibles.
Qui est responsable de cet imbroglio?
Mais où sont la morale et le bon sens dans cette histoire?
C'est cela aussi la justice en France.
9 septembre
Menace terroriste !
Bureaux d'accueil du Palais de Justice de Boulogne sur Mer. Un homme, taille moyenne, vêture moyenne, âge moyen, un monsieur Toulemonde, fait son entrée. Il a l'air très contrarié. Au fonctionnaire qui le reçoit il déclare qu'il veut porter plainte pour harcèlement terroriste mais qu'au commissariat on refuse de recevoir sa plainte. Le fonctionnaire lui propose de lui fournir un formulaire… L'homme n'est pas venu pour cela, il veut savoir comment il doit s'y prendre, maintenant, car son harceleur est un terroriste (sic) et menace de le tuer. Le fonctionnaire confirme que la seule chose qu'il puisse faire pour lui c'est de lui fournir un formulaire. L'homme concède à prendre la feuille, prend un stylo, s'apprête à la remplir.. Puis il replie le document et s'en va. Une fois dans le hall il glisse encore cette confidence: “Ma vie est menacée, je m'en vais déménager et partir à l'étranger.”
On n'en saura pas davantage.
Scène de la vie de tous les jours au Palais de Justice.
8 septembre: Tristes témoignages d'une époque violente
Tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, brefs regards sur ce qui va s'y jouer les trois jours prochains, du 9 au 11 septembre. Un peu plus d'une soixantaine d'affaires différentes vont y être appelées. Elles témoignent de notre époque.
Une dizaine vont concerner une aide au séjour irrégulier en France. Sauf s'ils arrivent sous bonne escorte, les “passeurs” ont peu de chance de se présenter, ce qui ne veut pas dire que le tribunal ne siègera pas pour les juger.
Vols et recels et autres escroqueries verront comparaître une dizaine d'individus dont un fameux trio. Un trio à qui il est reproché une escroquerie en bande organisée pour des faits commis entre janvier et novembre 2023. Pour juger ces faits, le tribunal a également convoqué une cinquantaine de victimes censées être, sinon témoins, du moins parties civiles. A supposer que seule la moitié d'entre eux se présente à l'audience, on n'ose pas imaginer comment ces gens vont pouvoir être entendus ni dans quelles conditions. C'est pourtant la règle. Bon courage aux témoins et surtout aux magistrats.
Car il n'en auront pas fini avec cette délinquance qui rend, aujourd'hui plus qu'hier, la vie difficile aux simples citoyens.

Entre une triste affaire de pédo-porno, une autre de voyeurisme filmé, de plus banales conduites sous stupéfiants ou autres délits de fuite, les juges vont aussi devoir examiner, souvent dans le détail, donc en entendant les victimes et témoins, vingt-quatre affaires de violences. Oui, vingt-quatre! Violences sur conjoints, violences sur enfants ou encore violences en réunions. La violence de tous les jours. Le mal du siècle. A noter que parmi la vingtaine de comparants, trois (seulement!) seront des comparantes.
Question, quand on a été confronté toute une semaine à ces malheurs qui frappent notre société, comment fait-on le soir ou le week-end pour récupérer?