IL AURAIT MIEUX VALU RESTER COUVERT
Ils étaient trois. Trois couvreurs qui comparaissaient ce mardi devant la juridiction boulonnaise. C’était la seule affaire inscrite au rôle de l’après-midi. On s’attendait donc à ce qu’elle fût exemplaire. Elle le fut. Pas forcément comme on avait pu s’y attendre.
Les faits qu’une procédure d’instruction avait conduit ces trois là devant un tribunal pénal étaient sérieux, motivés. Sur le papier. Et pourtant ils sont tous les trois ressortis du palais de justice innocents comme l’enfant qui vient de naître. Ou presque. En tout cas relaxés tous les trois pour les faits qui leur étaient reprochés. Tentative d’explication.
En 2015 une série de faits divers attire l’attention de la police. Il apparaît que des gens malintentionnés s’introduiraient dans des habitations occupées par des personnes plus ou moins vulnérables. Tout cela dans un secteur compris entre Boulogne et Saint-Martin-Boulogne. Lors de leurs recherches les enquêteurs découvrent que dans le même secteur ont travaillé des équipes de couvreurs. Que ces couvreurs auraient été en contact avec une ou plusieurs personnes vulnérables chez lesquelles elles auraient travaillé ou proposé de le faire. Voilà des suspects d’autant plus susceptibles d’être mis en cause qu’ils ne sont pas vraiment du coin… Vu qu’ils sont de la grande famille des gens du voyage comme le répètera ad libitum leur avocat.
Alors les enquêteurs vont tout mettre en oeuvre pour tenter de les confondre.
Dans leurs recherches les fins limiers découvrent que l’un des trois gaillards a accumulé sur ses comptes bancaires un peu plus de deux cents mille euros alors qu’il ne gagne même pas le SMIC. Et là, tout s’enclenche. Tout cet argent là, ça ne peut pas être honnête. Le parquet est saisi qui nomme un juge d’instruction. On est alors en 2022. Les couvreurs ont-ils profité de la faiblesse de leurs clients pour les escroquer? Rien ne le prouve et pas davantage un expert en toiture qui n’a aucune compétence judiciaire vu qu’il est lui aussi du métier. Un concurrent. L’enquête s’enlise. Même le fisc se désintéresse de la possible fraude fiscale autour des deux cents mille euros. Que reste-t-il de l’instruction? Des preuves? Pas vraiment, de possibles indices peut-être. Un climat de suspicion, sans doute. Mais rien de vraiment probant. On ne condamne pas sur des doutes. En revanche c’est du pain béni pour l’avocat roubaisien des prévenus qui fera même constater que l’un des motifs retenu contre l’un des trois hommes est tombé sous le coup de la prescription.
On en arrive au point de se demander comment il se fait que cette affaire ait pu arriver devant une juridiction de jugement, ceci près de quinze années après le déroulement des faits présumés. Un délai pas ordinaire qui a permis aux prévenus, en toute bonne foi bien sûr, de répéter inlassablement aux magistrates qui les interrogeaient qu’ils ne souvenaient plus de ce qu’il s’était passé si longtemps auparavant.
Voilà pourquoi et comment nos trois couvreurs prévenus sont ressortis de cette comparution avec une décision de relaxe, en toute logique judiciaire. Ils ont pu alors rejoindre leurs conjointes ou autres membres de la famille qui composaient exclusivement le public de cette audience. Personne n’était dupe de ce qui venait de se jouer devant ce parterre restreint. Un homme prévenu en vaut deux, a-t-on coutume de dire. Alors attention, une tuile est si vite arrivée!